Lors de l’événement Néoday Digital le 1er avril dernier, VIALINK a eu le plaisir d’animer une table ronde dont le thème était « KYC et Expérience client : injonction contradictoire ? ».
Nous étions accompagné de :
- Valérie Gitenay – Vice-président Responsable Retail Banking chez Capgemini invent,
- Kamel Nait-Outaleb – Fondateur et CEO de Onlyone, la fintech à impact positif
- Philippe Sanchis – Directeur Général de VIALINK, regtech Française
Retrouvez dans cet article des extraits de nos échanges et réflexions autour de l’impact de la réglementation LCB-FT sur l’expérience client lors de l’entrée en relation.
Quels impacts le processus KYC a-t-il sur de l’expérience client à l’onboarding ?
Kamel Nait-Outaleb (KNO) : Les impacts sont colossaux car il s’agit du premier contact que l’on a avec la banque, néo-banque ou fintech. Ce processus donne le ton de la relation. La question est de savoir comment offrir une expérience simple et fluide tout en gardant en tête que nous faisons de la finance. De fait nous avons des obligations réglementaires à respecter et d’éventuelles fraudes à prévenir.
Valérie Gitenay (VG) : l’expérience client peut être assez différente au sein d’une banque « traditionnelle » et d’une « Néo-banque ». Cette dernière à part nature un process d’onboarding digital tandis que la première a plutôt un processus plus lourd et très administratif. Tout l’enjeux est pour la banque et le conseiller d’en faire un point de rencontre et de découverte de son client.
Comment transformer la contrainte KYC en une opportunité business ?
KNO : Côté banque, l’avantage est que l’entretien de découverte est un bon moment pour tisser une relation car le client est plus ouvert et donne plus d’information le concernant. Côté Néo-banque, nous connaissons le client à travers la donnée que nous collectons. L’idée est peut-être de poser plus de questions afin d’adapter au mieux les produits et services qui correspondent à ce nouveau client.
VG : L’onboarding est une opportunité de rencontre. Mais l’enjeu aujourd’hui pour les banques traditionnelles est d’accélérer le processus d’onboarding, comme les Néo-banques peuvent le proposer. Peut-être que l’entretien de découverte pourrait se passer dans un second temps.
KNO : si nous arrivons à gagner du temps en automatisant les contrôles réglementaires, cela nous permettrait d’avoir un peu plus de temps utile de discussion avec notre client pour mieux le comprendre et le connaitre dans le but de mieux le servir.
Comment ré-exploiter la data que nous avons collectée lors de l’onboarding dans une optique business ?
KNO : C’est ce que font les banques depuis longtemps. Si on prend l’exemple de la date de naissance, cela donne une idée du mode de vie de notre client. Est-ce que mon client en est à un stade de jeune actif, en âge de rentrer dans la parentalité, en âge d’acheter son premier bien immobilier ?
On peut aussi utiliser ces données pour aller un peu plus loin sur le mode de vie de nos clients. Il est question de s’intéresser aussi à ce à quoi ils aspirent comme la consommation dite bas carbone.
VG : toutes les banques traditionnelles n’en sont pas encore à être en capacité de collecter toute cette data de façon automatique. Mais c’est bien la vision cible.
Banque traditionnelle versus Banque Digitale/Néobanque, quelles différences dans l’approche au niveau de l’onboarding ? (Connaissance client à 360° versus approche identitaire)
KNO : L’élément primordial pour une Fintech est la rapidité d’onboarding et la vérification de l’identité, plutôt que la collecte des autres données, car nous ne proposons finalement qu’un compte de paiement. Les autres données sont utiles quand nous proposons d’autres produits et services, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui.
VG : Le KYC et l’ampleur des données dont on a besoin est très différentes d’une clientèle à l’autre. D’où le fait que la banque traditionnelle, qui, par nature, couvre tout type de clientèle se trouve face à une complexité bien supérieure dans le traitement de la chaîne du KYC. C’est d’autant plus vrai quand la banque adresse une clientèle Corporate. Celle-ci a du mal à comprendre pourquoi elle doit redonner des éléments (pièces justificatives) quand elle a déjà eu à le faire au préalable pour une autre opération. C’est donc sur cette clientèle qu’il y a de vrais enjeux d’expérience client via le partage d’information à son sujet et cela à travers tous les services de la banque.
La crise COVID est-elle un accélérateur digital qui rebat les cartes pour tous ?
VG : Le COVID a été un vrai révélateur du besoin d’accélérer la digitalisation. Certaines banques ont fait en 1 mois ce qu’elles auraient fait en 2 voire 3 ans sur ce sujet lors du début de la crise sanitaire. Le rôle du conseiller a évolué vers une communication omni canal auprès de sa clientèle qui a plus besoin d’être épaulée dans un modèle plus distant. Le chemin du digital qu’ont déjà entamé les Néo-banques commence dans tous les établissements plus traditionnels. Il a même tendance à s’accélérer sans plus poser de débat depuis cette crise sanitaire.
KNO : le fait d’être « digital native » est un atout pour l’acquisition de nouveaux clients dans cette crise. Pour autant, c’est paradoxal car nous proposons un compte de paiement et si nous n’avons pas la possibilité d’effectuer des achats, ça complique tout de même la situation.
Comment tenir la promesse d’immédiateté au client ?
KNO : l’immédiate tient surtout sur la capacité qu’on offre à s’inscrire en quelques clics et réaliser en moins de 8 minutes son processus d’onboarding. Mais il y a tout de même cette nécessité de contrôle des informations en respect de la réglementation. Il est donc nécessaire de vérifier la cohérence des données qui nous sont apportées par le client afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de tentative d’usurpation d’identité ou de fraude.
Je suis partagé entre les deux. J’ai envie que ça aille vite pour satisfaire un besoin. Par contre, nous gérons de l’argent, donc se prémunir de tentative de fraudes c’est aussi assurer la pérennité de la Néo-banque. Ainsi le compte des clients est dans une Fintech solide. Il ne faut pas oublier qu’au moindre « couac » , des sanctions tombent.
VG : Dans les banques de réseaux, il y a beaucoup de sujet sur l’automatisation de la détection de la non-qualité des dossiers. L’objectif est aussi de répondre au besoin d’immédiateté mais aussi de productivité des équipes en back-office. Ces banques se posent beaucoup de questions sur comment faire et quelle technologie adopter au regard du legacy de leur système d’information.
Quelles technologies pour faciliter et accompagner les acteurs financiers dans l’onboarding de leur client ? (analyse du dossier via IA, Face Matching, Liveness detection, chatbot…)
Quel est le bon mix de solution à avoir ?
KNO : le bon mix c’est celui qui permet de faire un très bon processus d’onboarding tout en respectant la réglementation. L’objet est d’avoir les bons outils au bon moment et cela est possible notamment grâce aux API et aux technologies émergentes. L’avantage pour une Fintech est de partir d’une page blanche et profiter de ces nouvelles technologies immédiatement ce qui est plus compliqué pour des acteurs historiques car ils doivent faire avec leur système d’information déjà existant.
VG : le Facematching est une technologie qui sort d’une période d’observation et d’expérimentation chez les banques traditionnelles. La question néanmoins qui reste est la confiance que leurs clients accordent à cette technologie. Cela va surement dépendre des typologies et générations de clients.
La banque traditionnelle doit rester vigilante à proposer différentes possibilités lors de l’entrée en relation. A la fois sur des process classiques qui reposeront sur une identification et authentification humaine et pourquoi pas des process plus automatiques qui reposeront sur ces nouvelles technologies.
Quelle gouvernance pour mener à bien un projet de KYC digital ?
KNO : il faut réunir les spécialistes de la conformité. En fonction des partenaires avec qui la Fintech travaille, il est important de mettre en face des personnes qui parlent le même langage. Il serait risqué de ne pas savoir de quoi on parle et de complètement s’adosser aux partenaires. De plus, si la Fintech évolue et devient plus indépendante, l’ACPR se retournera donc vers elle lors des contrôles en lui demandant comment elle a géré son KYC. Il est donc important de le penser en amont pour ne pas se limiter en terme de possibilité d’évolution.
Dans une Néo-banque, il faut aussi inclure l’UX designer et le marketing car le canal digital est l’unique canal d’acquisition de nouveaux clients.
VG : ces projets font intervenir beaucoup d’acteurs. Evidement les personnes de la conformité sont nombreuses dans les banques traditionnelles. Mais l’idée pour elles est d’aligner la vision compliance avec la vision métier. Tout le challenge est donc de trouver les bons compromis entre le respect méticuleux de la réglementation et l’expérience client la plus fluide qu’il est possible d’offrir. Ces projets sont très transverses. Il est donc question de réunir les personnes de la conformité, les métiers, le commerce et l’IT.